Vie/Mouvements
Aristote nous a appris à lier Vie et Mouvement. Le terme manquant entre les deux est la Nature. "Les choses qui ne sont pas mues ne relèvent plus de la Nature". Le mouvement auquel pense Aristote et qui définit les étants "sublunaires", est un mouvement interne, une force de transformation constante qui habite la Nature et mène les êtres vivants, de transformations en transformations, de leur naissance vers leur mort.
L'être vivant nait, croit, et meurt. Génération, croissance, disparition. Il contient donc en lui-même le principe du mouvement qui le régit, de sa naissance à sa mort. La Vie représente la Nature mieux que ne le fait la matière inerte, car ses changements (mouvements) sont visibles sur un temps confortable pour nos sens.
Entre la naissance et la mort, l'homéostasie biologique est, elle aussi, mouvement constant, invisible, entre des équilibres contraires. La profondeur de l'homme, ce qui le lance dans l'humanité, est d'abord mouvements. Montrer le mouvement correspond donc, pour partie, à montrer l'homme, dans son humanité, forcément corporelle, avant son identité sociale.
En photographie, montrer le mouvement corporel interne ne peut se faire qu'en invitant le Temps : plusieurs clichés d'une même personne pourraient témoigner de son évolution, sa transformation, son mouvement. Mais d'ordinaire, la photographie associe le mouvement au déplacement, et il est donc en lien avec l'Espace.
L'instant décisif est souvent celui où le mouvement apparait le mieux : mouvement du corps, aussi bien que de l'âme, à travers le regard ou l'expression d'un visage, sur lequel se lit une intériorité, mouvement du vent, capté par la pagaille des feuilles, indociles.
Plusieurs de ses photos ont été prises au Japon, où le mouvement m'a semblé plus libre, le corps de l'homme semblant occuper la Nature, non pas en conquérant mais comme l'un de ses membres, et ceci, alors même que les corps y paraissent doués d'une densité plus grande, les mouvements étant en même temps plus concentrés, et codifiés.