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IDENTics

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En psychologie on a coutume de dire que nous imitons inconsciemment les comportements de ceux qui nous entourent. Partant, il est dit aussi que nous sommes “la somme” des cinq personnes les plus proches de nous.


Pourtant la philosophie entend l’identité bien autrement. Au delà de ses variations “mondaines”, comme la couleur et la forme particulière qu’il revêt, un objet aurait une identité particulière qui ferait qu’une chaise est reconnue par nous comme une chaise, un chien comme un chien. Et non l’inverse, ce qui pourrait poser des problèmes de différents ordres, pour beaucoup peu agréables. S’asseoir sur un chien ou promener une chaise en laisse peuvent être des activités certes louables, mais assez peu pratiques sommes toutes.


Cette identité fait donc d’un être humain, au-delà de ses caractéristiques particulières, un autre être humain à nos yeux, méritant d’être traité comme tel.
Cependant nous savons bien qu’une autre personne n’est pas seulement un être humain doté d’un ensemble de comportements variables en fonction de son entourage. Il emporte avec lui certaines caractéristiques, son caractère pourrions-nous dire, inné ou acquis dans un si jeune âge qu’il est devenu une seconde peau.


Paul Ricoeur distingue deux identités : l’identité idem et l’identité ipse. La première correspondrait à la partie de soi « brute », d’avant tout récit de soi. La seconde se forgerait au grès des événements de la vie, en fonction des récits que nous nous en faisons et que nous en faisons aux autres.


Mais qu’en est-il de l’identité créé en commun, dans une dyade où le Je et le Tu n’ont de sens que pour créer le Nous qui coexiste avec toute rencontre ?


Ce travail est parti d’une envie de mettre en parallèle un portait de mon père, pris lorsque j’avais une vingtaine d’années et un autoportait mettant en avant la part d’identité qu’il m’a léguée ou du moins la part d’identité que je suis parvenue à exprimer à son contact et à son occasion. J’ai poursuivi avec d'autres portraits, de personnes, proches ou moins proches, me donnant à exprimer telle ou telle part de ma personnalité, en miroir de leurs échos et réponses.
L’identité se forge à plusieurs car elle est aussi toujours une réponse à ce qui se joue entre les protagonistes.


Vu de mon point de vue, je suis celle dont l’identité varie en fonction des rencontres de personnes dont je fige l’identité dans mes portraits, sous la forme la plus représentative pour moi de ce qu’ils sont. Donc, de mon point de vue mon identité semble comporter beaucoup plus de facettes que la leur. ;) J’ai malgré tout conscience qu’eux aussi traînent avec eux sans cesse leur identité multiple et bricolée, et que s’ils se prêtaient au même exercice, c’est leur identité qui paraîtrait la plus riche, ou incohérente.

Mais doit-on dire pour autant que je suis là somme de tous ces « petits moi » ? Oui, si cette somme ne donne lieu à aucun résultat de calcul mais reste une somme « ouverte ». Non, si cette somme ne prend pas en compte le facteur temporel qui fixe ces petites identités dans un temps donné mais le dépasse dans un flux inarrêtable.

 

Nous sommes tous enfermés dans nos corps qui, pour ne pas être substituables, sont aussi l’origine de notre impression d’identité  personnelle « plus vraie » que celles des autres. Sans savoir au juste, sinon en le reliant au corps, ce qui relie les parts de ce moi multiple. Mais le corps, nous l'avons vu, ne peut-être l'essence de nous-même. Notre moi ne peut être seulement corporel.


La
photo montre le corps. Au-delà des aspects dévoilés symboliquement à chaque double-portait, la seule chose vraiment commune ne serait-elle pas finalement mon corps, et mon visage, forcément singulier ? La photo ne parviendrait donc pas à capter l’essence de l’identité, resterait nécessairement en surface ou tout au moins indicielle, partielle et partiale, elle qui se veut la garante du réel à travers le document ?

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